2022-07-29

Par Jean-Philippe Legault, blogueur invité

Il existe une donnée que je regarde fréquemment et qui réussit toujours à m’étonner. Il s’agit du niveau d’encaisse moyen détenu dans le portefeuille des investisseurs autonomes. Plus précisément, je consulte les données publiées mensuellement par l’association des investisseurs individuels américains (AAII).

En juin 2022, le niveau d’encaisse s’élevait à 21,2 % comparativement à 15,1 % en décembre 2021. Pourquoi une telle hausse?

La baisse des marchés boursiers a pour effet d’augmenter naturellement la pondération de l’encaisse détenue dans un portefeuille. En effet, si elle reste stable et que vos actions perdent de la valeur, l’encaisse représentera un pourcentage plus important de votre portefeuille.

En plus de cette hausse naturelle, je suis convaincu que l’augmentation est causée par certains investisseurs qui choisissent de laisser de côté une portion de l’argent réservé à leurs investissements. L’inflation, la hausse des taux, le risque d’une récession et la baisse des marchés boursiers sont des événements inquiétants pour plusieurs.

Est-ce raisonnable de garder autant d’encaisse?

L’histoire prouve que non. Le graphique ci-dessus montre que le niveau d’encaisse a atteint 26,1 % en mars 2020. Rétrospectivement, mars 2020 n’était-il pas le moment idéal pour détenir 0 % d’encaisse?

Certains lecteurs m’accuseront d’être un « quart-arrière du lundi matin » (Monday morning quarterback) puisqu’il est effectivement facile de commenter le passé. Pourtant, cette relation inverse entre le niveau d’encaisse et le niveau des marchés boursiers ne date pas d’hier. Pour le prouver, j’ai relevé les données concernant le niveau d’encaisse des investisseurs autonomes américains depuis décembre 1987 (zone en vert sur le graphique ci-dessous). J’ai également pris soin de superposer la performance du S&P 500 durant la même période (ligne rouge). Le résultat est fascinant!

Que nous apprend ce graphique?

Premièrement, l’investisseur autonome moyen conserve en tout temps une encaisse trop élevée. Entre 1987 et 2022, le plus bas niveau d’encaisse enregistré a été de 11 % en mars 1998. Sur cette période d’environ 35 ans, le niveau moyen de l’encaisse s’est élevé à 22 % du portefeuille d’un investisseur. Même si l’encaisse peut procurer un léger rendement, celui-ci n’approche certainement pas le rendement annuel composé de 10,5 % du marché boursier durant la période. Trop d’encaisse, pendant plusieurs années, nuit sérieusement aux rendements à long terme.

Le deuxième point est que les investisseurs autonomes ne déploient pas leur encaisse lorsque les occasions se présentent. En septembre 2002, l’encaisse des investisseurs autonomes atteignait 38,6 %. La période correspond au creux du marché boursier qui a suivi l’éclatement de la bulle technologique. En mars 2009, ces mêmes investisseurs détenaient 44,8 % d’encaisse, ce qui correspond précisément au creux de la crise financière de 2008-09.

Conclusion : les investisseurs autonomes ne réussissent pas à déployer leur encaisse convenablement.

La logique ne serait-elle pas de voir le niveau d’encaisse baisser au fur et à mesure que les marchés corrigent? Si le creux de mars 2009 n’était pas l’occasion idéale pour déployer ses liquidités, quand alors?

Lorsque les marchés corrigent, j’ai l’impression que les investisseurs attendent avant de déployer leur encaisse car ils espèrent acheter au bas du marché. Malheureusement, c’est presque impossible. En agissant de la sorte, ils manquent le creux et ne profitent pas du rebond, laissant ainsi beaucoup d’argent sur la table. Si vous êtes un investisseur à long terme, il n’y a aucun problème à ce que vous soyez pleinement investi avant que le marché atteigne un creux.

Votre portefeuille actuel renferme-t-il trop d’encaisse? Si c’est le cas, l’histoire prouve que vous trouverez rarement le moment parfait pour déployer vos liquidités. Par exemple, il est actuellement impossible de savoir si les marchés continueront de baisser. Toutefois, je suis convaincu que la baisse depuis le début de l’année vous offre fort probablement quelques occasions de déployer au moins une partie de votre encaisse.

Jean-Philippe Legault, CFA
Analyste financier