Il est vrai que lorsqu’on est totalement dans le flou, comme c’est, à mon avis, le cas actuellement sur le plan économique, l’investisseur se retrouve dans l’incapacité de prendre des décisions. C’est peut-être un moindre mal, car je crois que la pire chose à faire en période de haute incertitude serait de vendre ses placements boursiers.
J’ajouterais toutefois que lorsque nous sommes plongés dans une période d’incertitude élevée, la plupart d’entre nous ont également cette fâcheuse tendance à envisager le pire scénario.
Prenons l’exemple actuel des tarifs douaniers que l’administration américaine envisage d’imposer sur les importations en provenance de nombreux pays. Je crois qu’il est particulièrement difficile, sinon impossible, de savoir ce qui adviendra au cours des semaines et des mois à venir. Le président des États-Unis a récemment accordé un sursis de 90 jours aux tarifs substantiels qu’il avait annoncés au début d’avril, mais qui peut dire ce qui se passera réellement d’ici là ou dans 90 jours ?
Pourtant, c’est le pire scénario, celui de tarifs prohibitifs visant la plupart des pays, qui accapare l’attention de nombreux observateurs. De ce scénario, on extrapole en prévoyant une récession mondiale, des taux d’inflation et d’intérêt plus élevés et persistants, ainsi qu’une forte correction des marchés boursiers.
Avec un tel scénario en tête, plusieurs investisseurs pourraient être tentés de quitter les marchés boursiers ou, à tout le moins, d’attendre avant de réinvestir leurs liquidités.
Cependant, bien que le scénario le plus pessimiste soit une réelle possibilité, il est, à mon avis, peu probable. Il est tout aussi probable que l’administration américaine change complètement de cap au cours des prochains mois, en éliminant ou en réduisant substantiellement les tarifs.
L’investisseur est la proie de nombreux biais psychologiques qui influencent négativement ses comportements en Bourse. Il est difficile de contrer ces biais, mais en prendre conscience est un grand pas vers le succès. Dans la situation actuelle, je pense à au moins deux de ces biais :
En premier lieu, la plupart d’entre nous avons tendance à extrapoler les événements récents. Concernant les tarifs imposés par les États-Unis, il nous est difficile d’anticiper un revirement soudain de la direction de l’administration américaine. Dans son livre Factfulness, Hans Rosling appelle ce biais « l’instinct de la ligne droite ». Mais les choses ne vont pas toujours en ligne droite – dans la vie, des revirements de situation se produisent régulièrement !
En deuxième lieu, nombre d’entre nous avons tendance à être pessimistes au lieu d’être réalistes. C’est « l’instinct de la négativité » d’Hans Rosling. J’avoue que les médias ne nous facilitent pas la tâche en se délectant des mauvaises nouvelles qui captent bien plus l’attention des lecteurs.
Les meilleures occasions se présentent généralement lorsque l’incertitude est à son comble. En ce moment, l’incertitude n’est peut-être pas à son paroxysme, mais nous en sommes plus près aujourd’hui qu’au cours des dernières années.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Chef des placements chez COTE 100
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