2024-04-26

On a tous dans nos portefeuilles des titres qui traînent de la patte.

En analysant les résultats d’une de ces sociétés dans notre portefeuille, je me suis posé ces questions :

« Combien faut-il de temps avant qu’on se dise “assez, c’est assez”? »

« Devrait-on vendre un titre qui, depuis qu’on le possède, n’a rien fait pendant une période de deux, trois, cinq ans? »

La réflexion m’a fait penser à l’entrepreneur qui a lancé son entreprise et qui éprouve encore de la misère à réaliser des profits après deux, trois, voire cinq ans. Quand devrait-il se rendre à l’évidence et abandonner avant d’être forcé de le faire?

Je me permets ici un autre exemple du monde du tennis. Il est notoirement difficile de percer le top 100 mondial au tennis. Pourtant, la majorité des joueurs (et joueuses) qui ne parviennent pas à ce niveau auront de la difficulté à autofinancer leur carrière. Quand un joueur dont le classement s’approche du top 100 devrait-il conclure qu’il a fait son bout de chemin et qu’un changement de carrière est de mise?

Bref, à partir de quel moment la patience devient-elle de l’entêtement?

Personnellement, j’ai beaucoup de difficulté avec les recettes qu’on applique sans réfléchir, automatiquement. Je sais par exemple que nombre d’investisseurs placent des ordres de vente sur baisse (« stop-loss ») pour les titres qu’ils détiennent en portefeuille. D’autres se mettront comme balise de vendre un titre qui n’a rien fait pendant une période de deux ou trois ans.

Je préconise plutôt d’analyser chaque situation, cas par cas.

Voici deux exemples probants parmi les titres de nos portefeuilles sous gestion.

Le premier est Stantec. Nous avons acquis nos premières actions de cette société canadienne de services d’ingénierie au début de 2015 à un cours d’environ 32 $ l’action. Or, en octobre 2019, plus de quatre ans et demi plus tard, le titre ne valait que 28 $. Une politique de vendre un titre qui n’a pas livré la marchandise après deux ans ou trois ans nous aurait sans doute forcés à le vendre. Ç’aurait été une erreur coûteuse : à partir de la fin 2019, le titre a amorcé une forte ascension qui l’a porté à plus de 110 $ aujourd’hui. En dépit de sa très lente sortie des blocs, le titre nous a procuré un rendement annuel composé de près de 14,7 % depuis notre achat initial, sans tenir compte des dividendes reçus au cours de la période.

L’autre exemple est celui de Cencora, qui s’appelait AmerisourceBergen au moment de notre achat initial du titre à la fin de 2017 à un cours d’environ 82 $. La société est un distributeur de produits pharmaceutiques et médicaux en Amérique du Nord. Au début de 2020, soit plus de deux ans plus tard, le titre valait toujours environ 82 $. Était-ce une bonne raison de le vendre? De toute évidence, non : son cours atteint aujourd’hui près de 238 $. Sans tenir compte des dividendes, le titre nous a procuré un rendement annuel composé d’environ 36 %.

Ces deux exemples m’incitent à croire qu’il faut analyser chaque situation spécifiquement, sans appliquer de recette toute faite.

Avant d’acheter tout titre dans nos portefeuilles, nous élaborons un scénario d’achat de  quelques lignes qui résume les facteurs les plus importants sous-tendant notre décision d’achat.

Par exemple, en 2017, nous avions écrit dans notre scénario d’achat d’AmerisourceBergen (maintenant Cencora) que nous croyions que l’évaluation de son titre était déprimée en raison des craintes qu’Amazon devienne un fort concurrent dans le marché de la distribution médicale. Nous avions aussi conclu que le marché des médicaments et des produits médicaux se prêteraient difficilement à la vente directe aux consommateurs. Ce scénario avait-il changé deux ans plus tard, même si son titre piétinait? Non. Même que les bénéfices de la société avaient poursuivi leur progression pendant la période.

En somme, je crois qu’il est sain et productif de remettre régulièrement en question ses titres en portefeuille, en particulier ceux qui n’ont pas livré la marchandise escomptée. Mais vendre de manière automatique est à mon avis une erreur qui pourrait s’avérer coûteuse. Lorsqu’un titre piétine en Bourse pendant un certain temps, je préconise la patience, tant et aussi longtemps que les raisons qui ont motivé notre achat initial sont valables.

À ce sujet, je vous suggère un autre de mes blogues qui traite de la patience envers ses titres :  Une patience à deux vitesses.

 

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Le blogue de Philippe Le Blanc est publié sur

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