2023-03-10

Par Jean-Philippe Legault, blogueur invité

Grâce à la technologie, nous avons la chance d’accéder rapidement et aisément à de multiples sources d’informations. Si vous vous intéressez aux marchés boursiers, par exemple, vous pouvez obtenir assez facilement des opinions sur des titres, des secteurs et l’état de l’économie. Cet éventail de choix vous permet d’accéder à une variété d’opinions. Certaines de ces opinions peuvent être très optimistes alors que d’autres peuvent être très pessimistes.

Au fil des ans, j’ai remarqué que ce sont le plus souvent les scénarios pessimistes qui retiennent l’attention des investisseurs.

Premièrement, je crois que le biais psychologique de l’aversion aux pertes est particulièrement ancré chez les investisseurs. Plus précisément, l’aversion aux pertes se produit lorsqu’un investisseur souhaite éviter de perdre de l’argent, quitte à laisser des gains potentiels sur la table. Or, ce désir d’éviter les pertes incite les investisseurs à porter une attention plus prononcée aux propos pessimistes qui pourraient entraîner une baisse de la valeur de leur portefeuille.

Deuxièmement, je crois que le pessimisme est beaucoup plus séduisant pour les investisseurs. Dans son livre The Psychology of Money, l’auteur, Morgan Housel, explique bien ce point. Le pessimisme est intellectuellement captivant et a une connotation plus intelligente que l’optimisme. Selon lui, l’optimiste ressemble à un vendeur alors que le pessimiste ressemble à un sauveur. Je crois qu’il a bien raison! Imaginez que je vous parle d’un titre boursier qui pourrait doubler au cours des prochaines années. Votre réflexe sera possiblement de douter de mes propos. Vous vous direz : « Pourquoi essaie-t-il de me vendre ce titre? » À l’inverse, imaginez que je vous présente mon scénario apocalyptique sur les perspectives économiques selon lequel une chute prononcée des marchés boursiers est plus que probable. Votre réflexe sera peut-être de me remercier de vous prévenir.

Troisièmement, les scénarios extrêmes sont attrayants pour les médias. Selon vous, qu’est-ce qui attirera le plus de cotes d’écoute et de clics? Un expert qui prédit l’apocalypse ou un expert avec des propos modérés?

Selon moi, un des problèmes avec les opinions pessimistes est qu’elles portent souvent sur une courte période. On prévoit, par exemple, que l’économie traversera des moments difficiles au cours des deux ou trois prochaines années. Malheureusement, cette perspective va à l’encontre d’une stratégie d’investissement à long terme. Pourquoi essayer d’éviter une baisse des marchés quand on prévoit être investi pour plus de dix ans?

Vous êtes à la retraite et votre horizon de placement n’est que de quelques années? Votre allocation d’actif devrait être ajustée en fonction de votre horizon de placement et non en fonction des prévisions pessimistes ou optimistes.

De plus, agir en fonction de telles prévisions implique de prendre plusieurs décisions. Quand doit-on vendre? Quand doit-on racheter? Quoi faire si la correction ne vient pas ou que son ampleur n’est pas celle envisagée? Plus on doit prendre de décisions, plus le niveau de complexité augmente et plus on risque de se tromper et d’amputer ses rendements à long terme.

Attention, je ne dis pas que les prévisions des pessimistes sont nécessairement erronées. Au contraire, les propos de certains de ces « prophètes de malheur » sont cohérents. Il faut toutefois comprendre et accepter que les crises économiques et les récessions font partie de la réalité. Même si elles sont certainement déplaisantes, les récessions demeurent normales, temporaires et même saines pour l’économie. Puisque nous ne pouvons pas échapper aux récessions, ces experts finiront, tôt ou tard, par avoir raison. Toutefois, la vérité est que personne ne peut prévoir le futur ou le moment précis où les récessions se produiront. Le monde n’est pas blanc ou noir. Il existe une multitude de nuances de gris entre les deux.

Un investisseur boursier ne peut contrôler les mouvements du marché à court terme. Il peut toutefois exercer un parfait contrôle sur le choix des sociétés qui composent son portefeuille. Contrôlez ce que vous pouvez contrôler. Et surtout, ne modifiez pas votre stratégie d’investissement en fonction de prévisions à court terme, pessimistes ou optimistes.

Jean-Philippe Legault, CFA
Analyste financier