2023-10-13

Il y a quelques jours, j’ai eu la chance de visiter la forêt familiale, une passion de mon père, avec un groupe d’amoureux de la forêt, en compagnie de deux guides, des sommités dans le domaine de la gestion des forêts au Québec. Je remercie mon père pour cette initiative. La visite a été fort instructive et intéressante.

Un des deux experts, M. Bruno Boulet, est un spécialiste de la protection des forêts. Évidemment, avec l’été que nous venons de connaître et les feux qui ont brûlé une superficie record de nos forêts boréales, des questions lui ont été posées concernant la meilleure manière de protéger nos forêts, non seulement des feux, mais aussi des maladies qui risquent d’être importées dans le pays, menaçant la plupart des espèces de nos forêts.

Une forêt en santé 

D’après ce que j’ai compris, la première étape pour protéger nos forêts est de s’assurer qu’elles soient saines. Une forêt saine et vigoureuse est plus apte à croître rapidement, à se défendre contre les maladies et à survivre aux éléments extrêmes qui se produisent plus régulièrement en raison du réchauffement climatique. De même, les portefeuilles composés de titres de sociétés en bonne santé financière, rentables et vigoureuses se défendront mieux contre les concurrents et affronteront plus aisément les pièges économiques.

J’ai posé cette question à M. Boulet : « Un propriétaire forestier ferait-il mieux de simplement laisser la nature suivre son cours? » Si je comprends bien, la nature fait effectivement bien les choses, mais il est tout de même préférable qu’un propriétaire intervienne de manière ciblée et aide la nature d’une manière ou d’une autre. Par exemple, des interventions ciblées, telles que l’émondage des arbres, des coupes sélectives et l’abattage d’arbres défectueux, malades ou moribonds, peuvent contribuer à favoriser la croissance d’une forêt. Je vois les choses de la même façon en gestion de portefeuille. Autant que possible, on laisse ses entreprises se développer sans trop d’intervention. Mais à l’occasion, on intervient de façon ciblée pour améliorer la qualité de son portefeuille, en éliminant certaines entreprises moins saines.

Attention aux conséquences inattendues!

M. Boulet a été clair en ce qui a trait aux interventions susceptibles d’altérer un écosystème. Creuser des fossés pour mieux irriguer une section de terre forestière peut être une bonne idée, mais elle peut aussi créer des problèmes inattendus pour les arbres existants, la faune et la flore. Selon lui, l’hydrologie est une spécialité unique et très complexe; il faut être très prudent avant d’intervenir dans les systèmes existants qui ont atteint un bel équilibre. Pour moi, c’est un peu la même chose en gestion de portefeuille : avant d’ajouter ou d’éliminer un titre, il faut aussi penser à l’impact sur l’équilibre et la diversification du portefeuille.

La biodiversité

Selon M. Boulet, un des remparts contre la propagation des feux et des maladies est la diversité d’une forêt. Planter une grande quantité d’une seule espèce d’arbres est peut-être économique, mais cela augmente sensiblement le risque d’un accident qui pourrait la détruire. Imaginez si un propriétaire avait planté exclusivement des frênes sur sa propriété il y a 20 ans. Aussi, selon M. Boulet, les feuillus sont des remparts qui empêchent le feu de se propager à travers une forêt de conifères. En gestion de portefeuille, on veut aussi s’assurer d’obtenir une saine diversification afin de se protéger contre toute menace susceptible d’affecter un secteur ou une région du monde.

Un autre élément souligné par M. Boulet est que, dans la gestion d’une forêt, il vaut beaucoup mieux prévenir que tenter de guérir, ce qui m’a fait penser à cette citation de Benjamin Franklin : « Une once de prévention vaut une livre de remède. »

Pour un propriétaire de terres forestières, les changements climatiques sont un élément qu’il faut tenter de bien comprendre et auxquels on doit tenter de s’ajuster. Le réchauffement déjà observé au Québec et qui risque de se poursuivre au cours des prochaines décennies, exigent une adaptation et une certaine prévoyance. Par exemple, M. Boulet nous a parlé de sa décision de planter des chênes sur sa propriété en remplacement d’érables à sucre parce qu’il croit que le réchauffement favorisera les chênes au détriment des érables. C’est pareil en investissement où on doit, à mon avis, favoriser les industries porteuses à long terme et tenter d’éviter celles qui seront susceptibles de disparaître. Comme en environnement, l’économie mondiale subira sans doute de grands bouleversements dans les nombreuses années à venir.

Pour moi, il y a beaucoup de similitudes entre la gestion d’une forêt et celle d’un portefeuille. Dans les deux cas, il faut avoir un horizon à très long terme. L’objectif ultime est le même dans les deux cas : favoriser le développement à long terme du plus beau patrimoine, qu’il soit forestier ou financier, pour les générations futures.