Dans mon livre, Avantage Bourse, j’ai imaginé un triangle équilatéral représentant les trois facettes qu’un investisseur doit comprendre et maîtriser pour réussir en Bourse :
L’analyse fondamentale (tous les ratios financiers, la compréhension et l’analyse des états financiers, l’évaluation d’une entreprise) ;
La stratégie d’investissement (la façon d’investir, sa philosophie d’investissement) ; et
La psychologie d’investissement et les nombreux biais psychologiques associés.
À mon avis, si l'on y consacre le temps et l’effort nécessaires, les deux premiers volets sont relativement « faciles » à maîtriser. Tout le monde peut apprendre à analyser le bilan d’une entreprise, à calculer des taux de croissance ou à comprendre le modèle d’affaires d’une société.
Le troisième volet, le volet psychologique, est selon moi le plus difficile à maîtriser, et de loin. En effet, même les investisseurs les plus aguerris ne sont pas à l’abri de commettre des erreurs pour des raisons psychologiques.
Voici les quatre biais dont nous avons discuté lors de la présentation. Je les ai choisis parce qu’ils sont très répandus et particulièrement pertinents dans les marchés boursiers que nous traversons :
1. L’ancrage
Voici un exemple théorique que j’ai souvent observé dans la réalité. Un investisseur a acheté des actions de la société XYZ à 100 $. Six mois plus tard, le titre vaut 25 $. Un autre investisseur achète le même titre après sa forte correction, à 25 $ l’action. Six mois plus tard, le titre a rebondi à 50 $.
Quels sont les sentiments des deux investisseurs face au titre XYZ ?
Il est probable que le premier soit découragé et qu’il ne veuille plus entendre parler de la société XYZ – après tout, il a perdu 50 % de la valeur de son investissement initial. Il attend probablement l’occasion de vendre le titre lorsqu’il se rapprochera de son coût initial de 100 $.
Quant au deuxième investisseur, il est fier de son investissement, car il a rapidement doublé après son achat initial. Il aime beaucoup la société XYZ et se blâme de ne pas en avoir acheté davantage.
Pourtant, les deux actionnaires ne possèdent-ils pas exactement la même société, avec le même bilan, la même performance historique, la même équipe de direction et les mêmes perspectives à long terme ? La seule différence entre les deux investisseurs réside dans le coût initial de leurs actions, qui modifie radicalement leur perception du titre ! En réalité, ils devraient évaluer la société de la même manière en fonction de ses perspectives à long terme.
2. La tendance à surestimer ses capacités ou l’effet Dunning-Kruger
Il vaut la peine de s’attarder à ce biais, car j’estime qu’il est particulièrement répandu de nos jours dans un marché boursier que je qualifierais de « spéculatif ».
On connaît l’anecdote selon laquelle tous les conducteurs automobiles se considèrent meilleurs que la moyenne. Je dirais que c’est tout aussi vrai pour les investisseurs. L’effet Dunning-Kruger est également connu sous le nom d’effet de surconfiance.
Ainsi, un débutant a tendance à surévaluer ses compétences. C’est vrai dans de nombreux domaines, mais peut-être encore plus en Bourse ! Cette surconfiance se traduit par certains comportements que je considère dangereux :
Croire qu’on peut faire beaucoup mieux que les indices ou que les meilleurs investisseurs ;
Croire qu’on peut y faire fortune rapidement ;
Croire qu’on est capable d’identifier les prochaines grandes stars boursières ;
Favoriser les titres de petites sociétés ou de sociétés en démarrage ;
Investir sur marge (ou utiliser des options) ;
Croire que les principes de diversification ne s’appliquent pas à nous ;
Croire qu’on peut prédire les mouvements boursiers.
3. La tendance à se conformer
Une des choses que je remarque ces temps-ci est que les grandes sociétés technologiques semblent toutes se lancer dans des investissements massifs similaires en IA. La seule qui semble avoir pris un chemin différent est Apple. La pression institutionnelle est énorme pour ces entreprises d’investir dans l’IA, car elles craignent de manquer le coche, et il est beaucoup plus sécurisant de copier les autres que de faire cavalier seul.
Le même phénomène s’observe, selon moi, chez les investisseurs en ce moment. Nombre d’entre eux ne peuvent s’empêcher de participer à la vague qui emporte la plupart des titres de sociétés liées à l’IA.
4. Le biais que crée l’envie
Il est malsain et dangereux d’envier son voisin qui fait « une fortune en Bourse ». Il est courant ces jours-ci d’entendre des investisseurs se vanter d’avoir obtenu des rendements exceptionnels au cours des derniers mois. Mais est-ce une raison pour les suivre et prendre autant de risques ?
Pour se prémunir contre les biais psychologiques, il est essentiel de les comprendre, de savoir les identifier chez les autres et chez soi. Comme l’aurait dit Socrate, « Connais-toi toi-même ». C’est particulièrement important en investissement.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Chef des placements chez COTE 100
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