2025-04-18

L’arbitrage financier exploite des anomalies temporaires sur les marchés afin de réaliser des profits tout en limitant le risque. Un investisseur pourrait, par exemple, acheter des actions d’une entreprise en Bourse et vendre à découvert (« short ») le titre d’une société très similaire dans le but de tirer profit d’un écart d’évaluation qu’il a identifié entre les deux titres.

Je soutiens que de telles occasions d’arbitrage n’existent pratiquement plus pour l’investisseur traditionnel. De nos jours, l’information se diffuse si rapidement dans tous les recoins de la planète qu’il est difficile d’obtenir un avantage informationnel par rapport aux autres investisseurs. De plus, les grands gestionnaires qui gèrent des milliards d’actifs disposent de moyens financiers considérables pour investir dans des sources d’information crédibles et rapides, qui sont hors de portée de la majorité des investisseurs autonomes. Il existe également de nombreux investisseurs quantitatifs qui possèdent des moyens techniques extraordinaires leur permettant de négocier n’importe quel titre ou actif financier en fractions de seconde. Ainsi, les ordinateurs et leurs algorithmes s’assurent de tirer avantage de toute anomalie de marché, aussi petite et éphémère soit-elle.

Je suis toutefois d’avis que l’investisseur autonome qui possède un horizon de placement à long terme bénéficie encore aujourd’hui d’une source d’arbitrage non négligeable, qui devrait selon moi survivre pendant de nombreuses années : le temps.

En effet, les investisseurs qui pensent à long terme, en termes d’années et de décennies, ne sont pas légion. Pour investir à long terme, il faut beaucoup de patience, de persévérance et de résilience, des qualités rares. En revanche, il y a et y aura toujours des légions de spéculateurs cherchant à faire fortune rapidement. Adeptes du « day trading », spéculateurs sur marge et produits dérivés, chercheurs de la prochaine mode, coureurs de premiers appels publics à l’épargne (IPO ou Initial Public Offerings), il existe une clientèle nombreuse et renouvelable pour le casino boursier.

C’est justement pour cela qu’il y aura toujours, selon moi, de bons rendements boursiers à obtenir en empruntant la voie peu fréquentée de l’investissement reposant sur un horizon de plusieurs années. Alors que la multitude focalise son attention sur les perspectives d’une entreprise pour les prochains mois, demandez-vous plutôt quelles sont ses perspectives sur cinq ou dix ans ; la réponse sera parfois très différente, d’où la possibilité de découvrir des occasions d’« arbitrage » attrayantes pour l’investisseur à long terme.

Nous traversons actuellement une période hautement incertaine. On dirait que les règles du jeu économique changent chaque jour ou chaque semaine, ce qui crée une grande volatilité sur les marchés boursiers (l’indice de volatilité VIX surpassait récemment 35) et dans certains titres.

Chaque fois que je vois le titre d’une entreprise de qualité dégringoler en Bourse, je me demande si la chute est justifiée et surtout, si les difficultés de l’entreprise pourraient s’avérer temporaires. La question qui m’importe est de savoir si, dans cinq ou dix ans, il est probable que la société ait surmonté ces difficultés et poursuivi sa progression. Si c’est le cas, il s’agit peut-être d’une belle occasion d’« arbitrage temporel » pour l’investisseur qui lorgne plus loin que le prochain trimestre. En ce sens, il faut considérer la forte volatilité récente sur les marchés comme une fidèle partenaire des investisseurs à long terme.

 

Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Chef des placements chez COTE 100

 

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