Dans notre économie moderne, les concepts de « goodwill » et « actif intangible » prennent une place de plus en plus importante. Alors qu’il y a quelques générations, la majorité des entreprises occidentales étaient des manufacturiers dont les activités reposaient avant tout sur des actifs tangibles tels que des usines, des entrepôts ou des mines, la plupart des sociétés d’aujourd’hui ont des modèles d’affaires beaucoup moins tangibles. Leurs activités reposent sur le savoir, sur des brevets, sur des marques de commerce. De nos jours, les composantes du « goodwill » et des « actifs intangibles », soit la réputation, la fidélité des clients, la qualité du personnel et son savoir-faire, ainsi que la notoriété d’une marque, sont névralgiques.
Prenons une société bien connue telle que Netflix, que nous détenons dans plusieurs de nos portefeuilles sous gestion. Sa valeur boursière approche les 450 milliards de dollars américains, mais si l’on jette un coup d’œil à son bilan le plus récent, au 31 décembre 2024, on constate que la valeur de ses immobilisations n’est que de 1,6 milliard de dollars. Outre son encaisse de 9,6 milliards de dollars, le principal actif de la société est le « Contenu », soit les investissements que la société a réalisés pour développer son offre de films et de séries. L’avoir des actionnaires de la société est de moins de 25 milliards de dollars.
Comment est-il possible de justifier cet écart de près de 425 milliards de dollars entre la valeur boursière de Netflix et son avoir des actionnaires ? Cet écart est principalement lié aux actifs intangibles de la société, à la fois sa marque de commerce, son offre de lecture en continu à laquelle des millions d’abonnés dans le monde sont « accros », et son leadership mondial dans un secteur en croissance.
J’estime que la principale responsabilité des dirigeants de Netflix est de cultiver ce « goodwill » en renforçant la marque, le sentiment d’appartenance de ses abonnés, l’attrait de son offre et la facilité d’utilisation de sa plateforme technologique. Ses dirigeants devront aussi cultiver les relations avec ses fournisseurs et en particulier avec ses quelque 14 000 employés, dont le savoir-faire est un actif d’une valeur inestimable. La dernière chose que les dirigeants de l’entreprise veulent faire est d’antagoniser quiconque dans son écosystème, que ce soient ses employés, ses fournisseurs ou ses abonnés. Souvenez-vous de cette déclaration souvent citée de Warren Buffett :
« Il faut 20 ans pour construire une réputation et cinq minutes pour la ruiner. Si vous y pensez, vous agirez différemment. »
Il me semble que ce qui est vrai pour Netflix l’est également pour toute entreprise. Aucune ne peut se permettre de faux pas qui viendrait antagoniser les parties prenantes de son modèle d’affaires. La valeur de la majorité des entreprises repose aujourd’hui sur ses relations, sa réputation et la fidélité de ses clients.
C’est pourquoi les agissements et les déclarations de Donald Trump me sidèrent tant. Comment les États-Unis peuvent-ils antagoniser des partenaires et alliés de longue date tels que le Canada ? Une grande partie de la valeur de l’économie américaine repose en effet sur le « goodwill », qui, dans un contexte géopolitique, pourrait se traduire par : bonne volonté, bienveillance, bonnes relations ou encore crédit de confiance.
En quelques semaines, on peut se demander si Donald Trump est en train de saccager le « goodwill » que les États-Unis ont mis des décennies à construire.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Chef des placements chez COTE 100
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