Il a également rédigé 161 mémos à l’intention de ses clients depuis 1990 (Memos). Ces mémos ne sont pas publiés de manière régulière, mais en fonction des conditions de marché et, j’imagine, de l’inspiration de leur auteur : en 2020, année de la pandémie de coronavirus, il en a écrit 12 ; en 1997, un seul.
Pour célébrer les 35 ans d’écriture de ses mémos, Marks a récemment republié les 45 mémos qu’il considère comme les meilleurs : The Complete Collection.
J’en ai lu plusieurs (pas tous, car le document fait 492 pages !). Leur lecture est une bonne façon de revivre l’histoire boursière des 35 dernières années. Peut-être vous sera-t-elle utile pour éviter autant que possible les écueils qui jonchent inévitablement le parcours d’un investisseur ?
Dans les prochaines semaines, je me propose de revenir sur certains des mémos que je considère les plus pertinents pour l’investisseur d’aujourd’hui.
J’ai choisi de commencer avec celui que M. Marks a publié le 2 janvier 2000, intitulé « bubble.com ». Dans ce mémo, Marks compare la bulle technologique de la fin des années 1990 à la bulle de la « South Sea » du début du 18e siècle, laquelle a été bien documentée dans le livre Devil Take the Hindmost d'Edward Chancellor. À l’époque, la société britannique avait obtenu le monopole des échanges commerciaux avec les colonies espagnoles en Amérique du Sud et le droit exclusif d’y vendre des esclaves.
Il vaut peut-être la peine de passer plus de temps sur ce mémo, car il me semble que la période de 2000 ressemble à s’y méprendre à celle d’aujourd’hui. Comme je l’ai déjà dit, remplacez les mots « Internet » ou « commerce électronique » de l’an 2000 par « IA » ou « quantique », et les commentaires de 2000 s’appliquent tout autant à 2025. Ainsi, Marks relève plusieurs parallèles entre la bulle technologique (la bulle n’avait pas encore éclaté au moment où il l’a publiée) et celle de la South Sea. Il écrit : « En bref, je trouve que les signes d’un marché surchauffé et spéculatif dans les actions technologiques, Internet et des télécommunications sont accablants, tout comme les similitudes avec les manies passées. »
Voici les parallèles relevés par Marks entre la bulle de la South Sea et la bulle technologique de 2000 (à vous de voir s’ils s’appliquent à la situation d’aujourd’hui) :
Changer le monde (« Changing the world »)
Souvenez-vous, à la fin des années 1990, il semblait évident que l’Internet était une révolution qui allait changer le monde. À ce sujet, Marks écrit : « Je n’ai absolument aucun doute que ces évolutions révolutionnent la vie telle que nous la connaissons et qu’elles rendront le monde presque méconnaissable par rapport à ce qu’il était il y a seulement quelques années. Le véritable défi consiste à déterminer qui seront les gagnants — et quelle est la valeur réelle d’une part de ces entreprises aujourd’hui. »
Au fil des siècles, d’autres technologies ont eu le potentiel de changer le monde (de la radio aux automobiles, en passant par les avions), mais cela ne signifie pas que ces industries ont grandement enrichi les actionnaires qui avaient misé sur les sociétés à l’avant-garde de ces révolutions. Il est facile de payer trop cher pour des sociétés ayant le potentiel de changer le monde.
Des vies changées (« Altered lives »)
En 2000, des milliers d’Américains (et de Canadiens) avaient troqué leur emploi à temps plein pour devenir des « day-traders ». Vingt-cinq ans plus tard, je soupçonne que ce phénomène redevient populaire, même si je ne trouve pas de statistiques qui le démontrent clairement.
En 2000, Marks écrivait ceci : « La pression pour se diriger vers les secteurs à forte évolution est grande, et les gens y cèdent. » J’estime qu’un phénomène similaire se répète de nos jours avec des titres liés à l’IA et à l’informatique quantique.
L’attirance du capital de risque et le rôle des IPO (« The lure of venture capital and the role of the IPO »)
J’ai décidé de combiner ces deux facteurs, car il me semble qu’ils vont de pair de nos jours. Un seul tableau explique selon moi ce qu’on observe actuellement sur les marchés, même si cela diffère de la forte vague d’IPO de la bulle technologique et des rendements extraordinaires pour les entreprises de financement privé qui possédaient des sociétés privées faisant le saut en Bourse pendant cette période :
Cette page provient de la revue des marchés boursiers deyahoo.com. Cette dernière a commencé à fournir de telles informations sur son site en mars 2025. Comme l’a écrit Marks en 2000, « D’après mon expérience, les gros profits à faible risque proviennent généralement des investissements réalisés lorsque les résultats récents sont médiocres, le capital est rare, les investisseurs sont réticents et tout le monde dit « impossible ! ». Aujourd’hui, les excellents rendements du capital de risque font la une, l’argent abonde, les investisseurs sont enhardis et le mot d’ordre est « bien sûr ! »
Comment les sociétés feront-elles de l’argent ? (« How will the companies make money? »)
En 2002, Marks se demandait ceci : « Bon nombre de ces nouvelles entreprises ont d’excellentes idées pour gagner de l’argent, mais il est légitime de se demander si elles fonctionneront réellement, comment la concurrence évoluera dans chaque « espace » (c’est le terme utilisé dans le monde des sociétés dot-com pour désigner une niche d’affaires), si des profits se matérialiseront et s’ils seront suffisants pour justifier les cours boursiers actuels. » Il me semble que les mêmes questions s’appliquent à de nombreuses sociétés qui attirent l’attention des spéculateurs de nos jours.
La capacité d’innover ne se traduit pas toujours par une capacité à réaliser des profits.
Combien les entreprises valent-elles ?
À ce sujet, Marks écrivait : « Il ne suffit pas d’acheter une participation dans une bonne idée, ni même dans une bonne entreprise. Il faut l’acheter à un prix raisonnable (ou, espérons-le, à bon marché). »
Je ne mentionnerai qu’un exemple qui illustre bien ce que l’on observe sur les marchés actuellement. La société Palantir Technologies, chouchou des investisseurs désireux de participer à l’IA, a une valeur boursière qui approche les 450 milliards de dollars US. Ses revenus prévus pour 2025 sont de 4,2 milliards de dollars US. Cela signifie que le titre s’échange à environ 108 fois les revenus prévus. En anglais, je qualifierais cette évaluation de « dot.com-like » !
Marks conclut son mémo en disant : « Mais, tôt ou tard, la valorisation finit par compter. »
Je poursuivrai la semaine prochaine la revue des mémos que je considère les plus pertinents parmi les 45 choisis par Howard Marks.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Chef des placements chez COTE 100
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