Je dis « efficace » parce que, en dépit d’une taxe de 2 % sur la valeur marchande des actions nettes rachetées par une entreprise au Canada (taxe de 1 % aux États-Unis), ces rachats d’actions permettent aux entreprises de retourner une partie de leur capital excédentaire sans que cela n’ait d’impact fiscal pour leurs actionnaires, contrairement à un dividende.
La logique des rachats d’actions est simple. Pour le comprendre, prenons l’exemple d’une entreprise privée qui compterait, disons, dix associés, chacun actionnaire d’une part représentant 10 % des actions de l’entreprise (10 actions au total, une action détenue par chacun). Si la société réalise un bénéfice net de 10 M$ par année, cela signifie un bénéfice de 1 M$ par action.
Imaginons qu’un des actionnaires de la société décide de prendre sa retraite et souhaite vendre son action. Supposons également que son départ n’aura pas d’incidence sur les bénéfices nets de la société, qui resteraient stables à 10 M$, et que la société dispose des liquidités requises pour procéder. Le rachat par la société de l’action de l’actionnaire qui quitte réduirait le nombre d’actions de la société à neuf. Le profit par action subséquent augmenterait ainsi de 11,1 % grâce à ce rachat, soit 10 M$ divisés par neuf actions restantes. Chaque actionnaire devient donc plus riche, même si les bénéfices de la société n’ont pas bougé.
Cet exemple est simpliste et la réalité est plus complexe. Il est rare, par exemple, que le départ d’un propriétaire n’ait pas d’impact sur les activités de la société, surtout pour une entreprise privée. De plus, l’exemple ne tient pas compte du coût du financement pour racheter les actions de l’actionnaire qui prend sa retraite. Ainsi, l’augmentation des bénéfices par action des actionnaires restants serait probablement inférieure à 11,1 %, mais resterait néanmoins positive.
Pour une entreprise, la décision de racheter ou non ses propres actions dépend de quelques facteurs clés. Le premier est la capacité de financer ces rachats. À mon avis, une entreprise ne devrait pas racheter d’actions si sa situation financière est déjà précaire ou si de tels rachats risqueraient de la mettre en difficulté. Je crois que les rachats d’actions devraient avant tout servir à utiliser le capital excédentaire d’une entreprise.
L’autre considération clé est le prix payé pour les actions rachetées. Si, dans l’exemple précédent, l’on tient compte du prix payé et du coût du financement liés au rachat d’une action, les actionnaires doivent prendre une décision. De toute évidence, les rachats d’actions sont beaucoup plus attrayants pour les actionnaires restants lorsqu’ils sont effectués à une évaluation raisonnable ; ils deviennent moins intéressants lorsque leur évaluation est élevée.
Ce long préambule sur les rachats d’actions pour dire que je note une recrudescence de rachats d’actions parmi plusieurs sociétés que nous détenons dans nos portefeuilles sous gestion. Je ne mentionnerai que quelques exemples parmi nos titres canadiens en portefeuille, même si plusieurs de nos sociétés américaines et étrangères rachètent également beaucoup d’actions. Voici donc quatre exemples :
| Trimestre | Valeur | Proportion | |
|---|---|---|---|
| Alimentation Couche-Tard | 2e trimestre 2025 | 854 M$ US | 1,75 % des actions |
| CGI | 4e trimestre 2025 | 490,5 M$ CAN | 1,65 % des actions |
| Canadien National | 3e trimestre 2025 | 1,04 G$ CAN | 1,23 % des actions |
| Metro | 4e trimestre 2025 | 277,9 M$ CAN | 1,28 % des actions |
Pour ma part, de tels rachats indiquent au moins deux choses : ces sociétés sont en excellente santé financière et disposent de capital excédentaire, et leurs dirigeants considèrent que leur titre est évalué de façon raisonnable, voire attrayante.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Chef des placements chez COTE 100
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