Le deuxième principe dont je parlerai cette semaine est celui de la « réciprocité » (« reciprocation »). Selon Cialdini, la règle de la réciprocité stipule que « nous devrions essayer de rendre, en nature, ce qu’une autre personne nous a offert».
Comme pour les cinq autres principes, celui-ci nous est très utile dans la grande majorité des situations de la vie. Si une personne nous offre un cadeau d’anniversaire, nous nous sentirons bien entendu un peu obligés de lui rendre la pareille à son anniversaire. En effet, lorsqu’une personne ne respecte pas la règle de la réciprocité à notre égard, nous la trouverons radine et égoïste. Notre économie, voire nos structures sociales, reposent en grande partie sur le principe de la réciprocité : nous reconnaissons que les services ou les faveurs que nous accordons aux autres nous seront rendus un jour ou l’autre. Sans cette assurance de réciprocité, l’organisation de notre société et notre économie cesseraient de fonctionner, et nous plongerions dans le chaos.
Dans le but de ne rien devoir à personne, certaines personnes essaient de refuser systématiquement les cadeaux ou les offrandes des autres. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai décidé, il y a de nombreuses années, de ne plus rencontrer les dirigeants des entreprises dans lesquelles nous pourrions investir (nous le faisons tout de même occasionnellement). En plus du fait que je crois que ces dirigeants nous diront généralement ce que nous voulons entendre, le fait qu’ils se déplacent, prennent quelques heures de leur précieux temps pour nous rencontrer et répondent à nos questions nous rend, en quelque sorte, redevables envers eux. Psychologiquement et souvent de manière inconsciente, une telle situation biaise notre décision d’acheter ou non le titre de la société. Il devient plus difficile de ne pas investir dans une entreprise envers laquelle nous nous sentons redevables.
Le sentiment d’être endetté envers quelqu’un est très désagréable, et nous tenterons généralement de rembourser cette dette dès que possible. Souvent, ce principe peut mener à des échanges inégaux et injustes. Par exemple, vous recevez chaque année une carte d’anniversaire de votre courtier immobilier – une dépense de quelques dollars pour lui. Mais lorsque viendra le moment de vendre votre maison, vous vous sentirez peut-être redevable envers ce courtier, ce qui pourrait lui valoir une commission de plusieurs dizaines de milliers de dollars.
Les entreprises utilisent régulièrement le principe de réciprocité pour augmenter leurs revenus. Je pense notamment aux nombreux produits offerts gracieusement en échantillon aux clients dans les magasins. Si vous goûtez à un échantillon d’une nouvelle saveur de croustilles dans un Costco, vos chances d’en acheter un sac augmenteront sensiblement, car vous vous sentirez un peu redevable envers la personne qui vous a servi l’échantillon gratuit.
Le docteur Cialdini explique que le principe de la réciprocité est particulièrement puissant et qu’il nous pousse souvent à accepter des propositions que nous aurions sans doute refusées si nous n’avions pas été dans une situation d’endettement moral.
Nous nous sentons également redevables et prompts à faire une concession à quelqu’un qui nous en a fait une. La technique du « rejet-puis-retraite » dont parle le docteur Cialdini est un bel exemple de technique de concession utilisée par des vendeurs pour vous pousser à acheter. Ainsi, si je veux que vous m’achetiez quelque chose, une technique efficace serait de vous faire une offre initiale peu raisonnable, que vous refuserez probablement. Ensuite, je vous proposerai une offre moins coûteuse, que je présenterai comme une concession de ma part. Cette concession vous incitera probablement à accepter cette deuxième offre en guise de « consolation », même si c’était celle que je souhaitais vous faire accepter dès le départ.
Un autre exemple du monde de l’investissement concerne les invitations que font régulièrement les firmes de courtage aux gestionnaires de portefeuille. Bien que de telles invitations à des dîners, à des spectacles ou à des rondes de golf soient tout à fait normales dans le cadre des affaires, je soupçonne que leur principale motivation est d’augmenter le chiffre d’affaires des firmes de courtage en rendant les récipiendaires de ces invitations redevables envers elles. Depuis de nombreuses années, nous avons en grande partie cessé d’accepter de telles invitations chez COTE 100, et nous nous en portons bien.
Comment dire non à la règle de réciprocité ? Cette règle stipule que nous devrions rembourser les faveurs que l’on nous accorde par des faveurs similaires. En revanche, elle ne dit pas que nous devrions rembourser des ruses ou des manipulations. Selon l’auteur d’Influence, la clé est de faire la distinction entre de vraies faveurs et les tactiques de manipulation visant à vous contraindre à agir de manière contraire à vos souhaits dans une situation normale.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Chef des placements chez COTE 100
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