Cette semaine, le grand principe que j’aborde est celui que je traduirais par le « principe de sympathie » et que le docteur Cialdini appelle « Liking ». Comme il l’écrit dans son livre, « en règle générale, nous préférons dire oui aux demandes de quelqu’un que nous connaissons et que nous apprécions. » Comme pour les autres principes, celui de la sympathie procure un levier que certaines personnes pourraient vouloir exploiter pour mieux nous manipuler dans notre prise de décisions. Et comme pour les autres, nous avons tous intérêt à bien comprendre son mécanisme afin de minimiser les chances qu’il nous influence dans nos choix.
L’auteur donne l’exemple percutant des parties Tupperware, un concept aujourd’hui beaucoup moins populaire qu’il ne l’était il y a quelques décennies, mais qui illustre bien comment le principe de la sympathie peut fortement nous inciter à acheter des produits que nous n’achèterions probablement pas sans cette influence. Il est en effet difficile de refuser l’invitation d’un ami à un party Tupperware. De plus, le fait que cet ami joue le rôle d’hôte dans sa propre maison rend la décision de ne pas acheter des produits Tupperware encore plus complexe. Qui plus est, chaque acheteur potentiel et ami invité sait très bien que l’hôte tirera un bénéfice personnel de la vente en recevant une commission. Dans un tel contexte, est-il surprenant que Tupperware ait connu autant de succès et que tant de personnes aient acheté ses produits sans en avoir réellement besoin ? C’est que nous préférons dire oui aux demandes de quelqu’un que nous connaissons et apprécions.
Nous pouvons également être fortement influencés par les personnes qui paraissent bien physiquement. Les scientifiques sociaux appellent ce phénomène l’effet « halo », qui se produit lorsqu’une caractéristique positive d’une personne domine la perception que les autres ont d’elle, l’apparence physique étant souvent l’une de ces caractéristiques. Selon l’auteur, « des recherches ont montré que nous attribuons automatiquement aux personnes attirantes des traits positifs tels que le talent, la gentillesse, l’honnêteté et l’intelligence ». Êtes-vous influencé par l’apparence physique d’une personne ?
Par ailleurs, nous apprécions naturellement les gens qui nous ressemblent, que ce soit par leurs opinions, leurs traits de personnalité, leurs antécédents ou leur mode de vie. Une observation que j’ai faite dans le passé, lorsque nous rencontrions de nombreux dirigeants d’entreprises qui souhaitaient nous convaincre d’investir dans leur société, est que plusieurs d’entre eux soulignaient leur admiration pour Warren Buffett. Je me rappelle que certains d’entre eux nous disaient assister chaque année à l’assemblée annuelle de Berkshire Hathaway à Omaha. Avec le recul, je remets en question de telles affirmations. Je soupçonne que ces dirigeants nous disaient ce que nous voulions entendre pour établir une connivence, ou du moins une relation de confiance, avec nous.
Une autre facette du principe de la sympathie concerne l’association que nous établissons entre une personne que nous admirons et les produits qu’elle utilise ou promeut. Les entreprises essaient sans cesse d’associer leurs produits à des personnalités que nous aimons. Mais qu’est-ce que Roger Federer sait de plus que vous et moi sur les automobiles (il représente Mercedes-Benz), les montres (Rolex) ou le champagne (Moët & Chandon) ?
Comme pour les autres principes cités par le docteur Cialdini, il est difficile de se soustraire complètement à l’influence du principe de la sympathie. Ce dernier nous sert cependant très bien dans la majorité des situations de la vie quotidienne. Il faut toutefois rester vigilant face à ce principe et tenter d’identifier les situations où il pourrait nous inciter à prendre de mauvaises décisions.
Face à une décision importante, il convient de se concentrer autant que possible sur les mérites des options qui se présentent à nous et d’essayer d’éliminer les aspects émotionnels susceptibles de nous influencer. Par exemple, il y a quelques années, au moment de choisir son école, j’avais suggéré à mon fils d’élaborer une grille avec des critères objectifs de sélection pour chacun de ses choix. Le fait que certains de ses bons amis aillent à une école était un de ces critères, mais certainement pas le seul dans son évaluation.
Un processus similaire de sélection s’applique, selon moi, aux décisions d’investissement d’un investisseur. Quels titres acheter ? Quelles classes d’actifs favoriser ? Voilà autant de décisions susceptibles d’être influencées par le principe de la sympathie et pour lesquelles il est impératif de fonder ses choix sur des critères objectifs et mesurables.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Chef des placements chez COTE 100
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