L’auteur débute le chapitre sur le principe de la rareté avec cette citation de G.K. Chesterton, un auteur et philosophe anglais :
« La manière d’aimer véritablement quelque chose est de réaliser qu’on pourrait le perdre. »
Cette citation me fait penser à la faillite récente de La Baie d’Hudson. Depuis l’annonce que la chaîne de magasins de la société sera liquidée, certaines personnes sont prêtes à payer un prix élevé pour les produits emblématiques de La Baie. Ce phénomène est directement lié au concept fondamental d’économie de l’offre et de la demande : réduire l’offre d’un produit entraîne généralement une augmentation de son prix.
Selon l’auteur d’Influence, « les occasions nous paraissent plus précieuses lorsque leur disponibilité est limitée ». Ce qui est rare ou nous semble unique prend souvent une plus grande valeur à nos yeux, quelle que soit sa valeur intrinsèque. Cela me rappelle d’ailleurs l’un des arguments qui semblaient motiver les investisseurs à acheter les premières cryptomonnaies, dont le bitcoin, lors de leur apparition sur le marché il y a quelques années : leur offre était perçue comme limitée – dans le cas du bitcoin, elle est effectivement plafonnée à 21 millions d’unités. Bien que cela soit vrai pour le bitcoin, il me semble que la capacité de créer de nouvelles cryptomonnaies est loin d’être limitée : selon ChatGPT, il en existe aujourd’hui plus de 25 000 !
Le corollaire de ce principe est que nous valorisons souvent davantage ce que nous possédons que ce que nous pourrions posséder. « L’idée d’une perte potentielle joue un rôle important dans la prise de décision humaine. »
À mon avis, c’est un principe qui influence la plupart des investisseurs et qui explique probablement pourquoi il est si difficile de se départir d’un titre que nous possédons, surtout lorsque nous le détenons depuis longtemps. Combien d’entre nous ont tendance à « tomber en amour » avec les titres que nous possédons ?
L’engouement souvent observé pour les premières offres publiques d’achat (IPO) repose en grande partie sur la perception des investisseurs de l’effet de rareté – un effet que les banques d’investissement exploitent allègrement.
Comme pour les autres principes, celui de la rareté représente un raccourci cognitif qui nous sert généralement bien dans la vie quotidienne. Ainsi, selon le docteur Cialdini : « Parce que nous savons que les choses difficiles à obtenir sont généralement de meilleure qualité que celles qui sont faciles à se procurer, nous utilisons souvent la disponibilité d’un objet pour évaluer rapidement — et souvent correctement — sa valeur. »
Cependant, comme pour les autres principes (ou raccourcis), le principe de la rareté ne nous sert pas toujours bien, au contraire. Il faut se rappeler que nous avons tendance à convoiter ce qui nous semble rare et difficile à acquérir, au-delà de sa valeur intrinsèque. Ce n’est pas pour rien que les publicités pour des produits mentionnent généralement que leur quantité est limitée ou que l’aubaine prendra fin dans deux jours.
Les dirigeants d’entreprises participent à des enchères pour l’acquisition d’une société doivent garder à l’esprit le principe de rareté, sinon ils risquent de perdre la raison et de payer une prime importante pour un actif qui leur paraît unique (« une telle occasion ne se représentera pas »).
Il faut toutefois se rappeler qu’un objet rare n’est pas nécessairement meilleur en raison de sa rareté. Il est essentiel d’évaluer les objets (et les titres boursiers) en fonction de leurs caractéristiques intrinsèques et en les comparant aux alternatives qui s’offrent à nous.
C’est pourquoi, chez COTE 100, nous comparons toujours un titre boursier que nous convoitons pour investissement avec ceux d’entreprises comparables avant de prendre une décision d’investissement.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Chef des placements chez COTE 100
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