Or, maintenant que nous sommes en plein dans un marché baissier, il me semble qu’une des plus grandes difficultés pour l’investisseur consiste à faire des choix. C’est un peu comme un enfant dans un magasin de bonbons : presque tout ce qui est offert est tentant, mais on ne peut pas tout acheter !
Une autre difficulté est de savoir si un titre apparemment en solde aujourd’hui sera encore davantage soldé dans quelques semaines. Un rabais de 20 % est-il suffisant pour acheter, ou devrait-on attendre un rabais de 25 % ou de 30 %?
Dans une telle situation, j’essaie de me rappeler deux points importants.
D’une part, nos portefeuilles sont déjà pleinement investis. Il n’y a donc pas lieu de se sentir pressé d’acheter par crainte que les titres rebondissent dans les prochains jours – le sempiternel syndrome du « FOMO » (« Fear of missing out »). Puisque notre portefeuille demeure pleinement investi, il en profiterait pleinement si les marchés rebondissaient prochainement.
D’autre part, en tout temps, mais particulièrement pendant les périodes de fortes baisses des valeurs boursières, mon objectif est d’améliorer la qualité globale de notre portefeuille, d’augmenter son potentiel de rendement à long terme et/ou d’en diminuer le risque. Cela implique que pour acheter un nouveau titre, nous devrons vendre un titre existant. Si l’on ne croit pas pouvoir acheter un titre supérieur à un titre existant du portefeuille, il n’y a pas lieu de ne rien changer. Comme on dit communément, « on ne change pas quatre trente sous pour une piastre ». Ainsi, si votre portefeuille est bien diversifié et constitué de sociétés de qualité, la meilleure chose à faire est probablement de ne rien faire.
Si nous identifions un titre qui devient soudainement attrayant après une correction boursière, nous prendrons le temps de l’analyser en détail, un processus qui prendra plusieurs jours. Une fois notre analyse et notre évaluation complétées, nous le comparerons à un ou deux titres du portefeuille existant qui nous semblent moins attrayants en termes de qualité ou de niveau de risque.
Si le titre convoité présente un potentiel d’appréciation supérieur et un risque de baisse acceptable, nous serons prêts à opérer le changement dans nos portefeuilles.
Pour moi, la beauté de cette discipline réside dans le fait qu’en nous efforçant de comparer le titre envisagé avec les titres les moins attrayants de notre portefeuille, nous éliminons en grande partie la question du « timing » de l’achat. La seule question pertinente qui reste est la suivante : ce nouveau titre est-il plus attrayant que le moins attrayant des titres de mon portefeuille ?
Quelques autres considérations
La diversification de notre portefeuille est un facteur important à considérer avant d’acheter un nouveau titre. Notre objectif n’est pas seulement d’augmenter la qualité globale de notre portefeuille, mais aussi de favoriser sa diversification. En achetant ce titre, est-ce que je diversifie mon portefeuille ? Ou est-ce que j’augmente un pari sur une industrie spécifique ?
Une autre considération est la fiscalité, en particulier en ce qui concerne les gains qui seraient réalisés en vendant un titre du portefeuille. La situation de chaque investisseur est différente, mais nous pourrions parfois retarder notre décision de vente (par exemple, si nous nous approchons d’une fin d’année fiscale). Il faut toutefois se rappeler que les impôts sur les gains seront payés tôt ou tard et qu’une facture fiscale ne devrait pas trop influencer la prise d’une décision favorable à la performance à long terme d’un portefeuille.
Enfin, dans votre analyse, n’oubliez pas un biais qui pourrait influencer votre décision de vendre un titre : l’effet de dotation. En effet, il est tout à fait humain d’attribuer plus de valeur à un objet (ou à un titre) que nous possédons qu’à un objet que nous ne possédons pas. Par exemple, on peut aisément attribuer une valeur sentimentale au titre d’une société qui nous a enrichis au fil des ans ou à une société pour laquelle nous travaillons. Il est important de garder ce biais à l’esprit lorsqu’on compare les évaluations d’un titre existant et d’un nouveau titre.
La baisse marquée des marchés au cours des derniers jours n’est pas réjouissante, mais je me console en me rappelant qu’elle pourrait offrir des occasions que nous n’avons pas vues depuis longtemps. Mais avant d’acheter, il faut s’assurer de suivre une discipline rigoureuse.
P.S. J’ai rédigé ce blogue avant le rebond historique des marchés survenu dans l’après-midi du 9 avril. Bien que ce rebond ait réduit le nombre d’opportunités d’investissement attrayantes, je ne pense pas qu’il modifie la pertinence de ce blogue.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Chef des placements chez COTE 100
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