2022-06-23

Je suis en train de lire « No Rules Rules », écrit par M. Reed Hastings, cofondateur de Netflix, et Mme Erin Meyer.

Ce livre fort intéressant et enrichissant traite de la culture d’une entreprise, plus précisément Netflix, qui est axée sur l’autonomie des employés et l’élimination de la plupart des règles corporatives qui, avec le temps et la taille grandissante des entreprises, dérivent vers la bureaucratie.

C’est toutefois d’un passage du début du livre dont je voulais vous parler aujourd’hui. Ce passage m’a fait réaliser à quel point les conditions ont changé au cours des derniers mois dans de nombreuses entreprises et combien elles ressemblent au contexte qui a suivi l’éclatement de la bulle technologique du début des années 2000. Voici donc ce qu’a écrit Reed Hastings au début de « No Rules Rules », dans la section où il relate l’histoire de Netflix :

« Puis, au printemps 2001, la crise a frappé. La première bulle Internet a éclaté et un grand nombre de sociétés « .com » ont fait faillite et disparu. Tout accès aux fonds de capital-risque (« venture capital ») a été suspendu et nous étions soudainement incapables de lever les fonds additionnels dont nous avions besoin pour exploiter l’entreprise qui était loin d’être rentable. Le moral des employés était bas et en voie de le devenir davantage. Nous n’avons eu d’autre choix que de remercier le tiers de nos effectifs. »

J’ai souvent dit que les dernières années ressemblaient étrangement à celles de la fin des années 1990 et de la bulle technologique. Même si les excès récents ont probablement été plus généralisés et répandus qu’il y a 20 ans, ils me semblent tout de même du même acabit : évaluations excessives pour des entreprises aux modèles d’affaires précaires, accès facile et peu onéreux à un capital abondant, engouement pour le « day-trading », goût excessif pour le risque et toutes les manières de faire un profit rapide.

Compte tenu de la chute récente des marchés boursiers, plus particulièrement des titres technologiques (l’indice Nasdaq, composé en grande partie de sociétés technologiques, avait récemment perdu 35 % de sa valeur par rapport à son sommet récent), et de la hausse marquée des taux d’intérêt, on pourrait bien assister à des retombées similaires à celles du début des années 2000.

À mon avis, à l’instar de Netflix en 2001, les sociétés d’aujourd’hui qui sont déficitaires et dont le modèle d’affaires vise principalement la croissance des revenus sans trop égard à la rentabilité ont des choix difficiles à faire. Il existe une légion d’entreprises déficitaires! Combien de celles qui ont fait le saut en Bourse au cours des dernières années sont toujours déficitaires? Ces sociétés ont régulièrement besoin de capital pour financer leurs activités, mais les marchés boursiers sont soudainement bien moins accessibles (il est difficile pour un dirigeant de justifier l’émission d’actions alors que son titre a perdu 50 % de sa valeur). De plus, si la dette est toujours accessible, elle coûte beaucoup plus cher qu’il y a quelques mois et les banques sont beaucoup plus frileuses.

Je crois qu’on assistera chez ces entreprises à une course effrénée vers la rentabilité – c’est une question de survie. Le hic est qu’il n’est pas simple de modifier l’orientation d’une entreprise, de passer de la croissance des revenus à tout prix à la réalisation de profits. À moins d’un revirement subit des marchés au cours des prochains mois, j’anticipe des mises à pied massives et une diminution marquée des dépenses; le processus est peut-être déjà entamé. Au début des années 2000, Netflix a réussi à traverser la crise en ajustant rapidement son modèle d’affaires. Combien d’entreprises sauront être aussi agiles aujourd’hui?

Prenez note ce blogue est mon dernier d’ici le début de septembre. À partir de la semaine prochaine, mon collègue Jean-Philippe Legault prendra le relais. Merci à tous de votre intérêt et bon été!