2024-10-18

Il y a des avantages indéniables pour une entreprise à devenir plus grande : des économies d’échelle, une plus grande spécialisation des tâches, une capacité accrue à innover et à investir en R&D, une plus grande renommée sur son marché, une vaste distribution de ses produits, etc.

Il n’y a toutefois pas que des avantages. Avec le temps, la taille croissante d’une entreprise devient inévitablement son propre frein à la croissance. C’est ce phénomène qui a mené à la création de la célèbre « courbe en S » (« S-curve ») qui caractérise l’évolution de la croissance de la majorité des entreprises.

Un des grands défis qui guettent toute entreprise en croissance est la bureaucratie. Je lisais récemment que la société Amazon, reconnue depuis de nombreuses années pour sa croissance et son agilité liées à son esprit entrepreneurial, a déclaré la guerre à la bureaucratie. Son PDG, Andy Jassy, veut mettre fin aux « préréunions préalables aux préréunions qui précèdent la réunion où on décide quelque chose ».

Si Amazon considère que la bureaucratie est un problème, tous les dirigeants d’entreprises ainsi que les investisseurs boursiers devraient en tenir compte. Je ferai encore une fois référence à Berkshire Hathaway, une entreprise qui, selon moi, a réussi à ce jour à éviter en grande partie la bureaucratisation. D’ailleurs, ses leaders, MM. Warren Buffett et Charlie Munger, ont souvent évoqué le défi que pose la bureaucratie pour les grandes entreprises lors des assemblées annuelles de l’entreprise. Voici quelques citations de Munger à ce sujet :

« La bureaucratie est comme un cancer qui se développe invariablement pour étrangler les entreprises efficaces. »

« Dans toute grande organisation, l’essentiel est d’éviter la bureaucratie stupide. Plus la bureaucratie est importante, plus la prise de décision est lente et plus les résultats sont médiocres. »

« Une fois qu’on crée une bureaucratie, on ne peut plus s’en débarrasser. Les bureaucraties ne sont pas faites pour rétrécir. »

Quelles sont les solutions pour réduire les risques de ce « cancer » ?

Encore une fois, je m’inspire de l’exemple de Berkshire Hathaway. La société vaut aujourd’hui plus de 1 000 milliards de dollars en Bourse. Dans son rapport annuel 2023, on peut voir que la société comptait 396 440 employés. Et combien à son siège social d’Omaha ? 26. Efficace et sans fioritures.

Le modèle organisationnel de Berkshire est hautement décentralisé. M. Buffett accorde une entière latitude de gestion aux dirigeants de ses nombreuses entreprises. Il a déclaré : « Nous déléguons presque au point de l’abdication. » Il est essentiel de rapprocher les décideurs des clients d’une entreprise. L’imputabilité des décisions est, selon moi, un autre élément crucial. Il est important de morceler les équipes afin de les rendre responsables de leurs résultats.

Il n’est pas facile pour un investisseur de déceler une possible propagation du cancer de la bureaucratie dans l’une de ses entreprises. En effet, une caractéristique de la bureaucratie est qu’elle se propage de manière insidieuse. Je pense toutefois qu’il est possible de l’identifier dans certaines statistiques financières d’une entreprise, mais seulement sur plusieurs années :

  • Un ralentissement du taux de croissance des revenus ;
  • Un effritement des marges d’exploitation (BAIIA) ;
  • Une dégradation du rendement du capital investi moyen (ROIC) ;
  • Une diminution du revenu de l’entreprise par employé.

De manière plus générale, on peut peut-être déceler une baisse du dynamisme d’une entreprise, de sa capacité à innover, à lancer de nouveaux produits ou services, ainsi qu’à se démarquer de ses concurrents. On pourrait également noter un éloignement de ses clients, une diminution de sa capacité à répondre rapidement et efficacement à leurs demandes et à leurs besoins.

 

Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Chef des placements chez COTE 100

 

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