Afin d’améliorer ma condition physique et mes résultats, je me suis procuré une montre intelligente de course. Celle-ci me propose de varier mes entraînements entre trois niveaux d’intensité :
Aérobie faible : un entraînement à faible intensité visant à développer l’endurance fondamentale.
Aérobie élevée : un entraînement exigeant, à intensité soutenue, qui permet d’augmenter la capacité à soutenir des vitesses rapides sur de longues distances.
Anaérobie : un entraînement à très haute intensité, comme des sprints, qui vise à développer la puissance, la vitesse et la tolérance à l’acide lactique.
Ma montre m’offre différents tableaux et guides pour varier entre ces trois types d’entraînements. La raison est simple : un coureur qui ne fait que des entraînements à faible intensité développera une excellente endurance, mais risque de manquer de vitesse. À l’inverse, un coureur qui ne fait que des entraînements anaérobiques sera très rapide sur de courtes distances, mais manquera d’endurance. La clé est donc l’équilibre.
Ce concept d’équilibre me rappelle l'approche que nous adoptons dans le cadre de nos activités de gestion de portefeuille chez COTE 100. En effet, tous les titres d’un portefeuille n’ont pas la même fonction. Pour illustrer ce propos, j’ai transposé ces trois niveaux d’intensité à des titres canadiens que vous connaissez bien. Évidemment, cette classification n’a rien de scientifique et demeure subjective.
Aérobie faible : Ce sont des titres de secteurs défensifs et peu cycliques, où la croissance des bénéfices est généralement prévisible et modérée. Metro, Fortis, Alimentation Couche-Tard et Hydro One en sont de bons exemples. Ce sont des titres où le risque est jugé faible et qui connaissent habituellement de plus faibles reculs boursiers lorsque le marché est entraîné à la baisse.
Aérobie élevée : Ce sont des titres évoluant dans des secteurs plus cycliques que les précédents et dont les bénéfices fluctuent davantage, mais qui conservent un modèle d’affaires solide. Le Canadien National, la Banque Royale, Brookfield Corporation et Intact en sont de bons exemples. Le risque principal de ces titres est lié aux fluctuations du cycle économique ou d’un secteur en particulier.
Anaérobie : Ce sont des titres connaissant généralement une forte croissance de leurs bénéfices. Par conséquent, leur ratio cours-bénéfices est souvent élevé. Je dois avouer qu’il existe probablement plus de ce type de titres aux États-Unis, mais Shopify, Dollarama et Waste Connections en sont des exemples qui se rapprochent de cette définition. Le risque principal est associé à un multiple d’évaluation élevé qui peut rapidement corriger si les attentes de croissance ne sont pas au rendez-vous. Les titres de ce groupe sont liés à des risques spécifiques.
Notre travail consiste à maximiser les rendements du portefeuille en fonction du risque encouru. Cette dernière partie est primordiale. Bien évidemment, l'évaluation d'un titre est un aspect essentiel de la gestion du risque pour chacune des catégories précédentes. Toutefois, nous croyons que la diversification des sources de risque demeure une approche incontournable.
Un coureur qui se concentrerait uniquement sur des sprints, cherchant à développer uniquement son anaérobie, augmenterait son risque de blessure et aurait beaucoup de mal à maintenir une bonne cadence sur un marathon. Pour moi, l’investissement n’est pas un sprint, mais un marathon. L’objectif est d’obtenir de bons rendements sur une longue période. Sans être un expert de la course à pied, je suppose que la recherche d’un équilibre entre les trois types d’entraînements est une approche judicieuse. Du moins, elle l’est certainement pour l’investissement boursier.
Un autre aspect que je juge important est celui de la capacité d’adaptation aux conditions changeantes. Un coureur fatigué pourrait allouer plus de temps à des entraînements en aérobie faible. S’il est en pleine forme, il pourrait miser sur davantage d’intervalles et de sprints. De la même façon, un investisseur qui estime que le marché est dispendieux et en proie à la spéculation devrait ajuster son portefeuille en ajoutant ou en surpondérant des titres plus défensifs, de type aérobie faible. À l’inverse, si le marché est fortement déprimé, l’allocation devrait pencher davantage vers des titres à aérobie élevée ou anaérobie. L’objectif est de construire un portefeuille solide, bien équilibré, qui peut s’ajuster en fonction du contexte.
En terminant, si jamais vous me croisez en train de courir dans les rues de Saint-Bruno, vous penserez peut-être que je suis en pleine séance d’aérobie faible. En réalité, je serai sans doute en plein effort d’aérobie élevée… voire anaérobie. Que voulez-vous, je ne suis tout simplement pas très rapide !
Jean-Philippe Legault, CFA
Gestionnaire de portefeuille chez COTE 100
_______