2025-08-21

Par Jean-Philippe Legault, blogueur invité

Mes jours de semaine passablement occupés m’obligent à fréquenter le magasin Costco la fin de semaine, moment où l’on retrouve de nombreux clients. Lorsqu’arrive le temps de me présenter aux caisses, un processus d’analyse s’entame.

J’essaie d’évaluer la rapidité de l’emballeur et du caissier. J’utilise mon expérience passée pour reconnaître ceux qui sont habituellement les plus rapides et j'évite les plus lents. J’examine également le nombre de clients, la taille de leur panier ainsi que les articles qui s'y trouvent. Cette analyse me permet de diriger mon panier vers la file qui semble avoir le potentiel d’être la plus rapide. Ne me jugez pas ! Je suis convaincu que vous effectuez vous aussi une certaine forme d’analyse avant de choisir votre file.

Le même principe s’applique en Bourse, même si ce processus est certainement plus complexe que le choix d’une file de caisse. Un investisseur doit analyser les données actuelles et passées afin d’estimer le futur. Il utilise son expérience pour établir des liens qui lui permettront de faire un choix éclairé. Malgré toutes ces précautions et cette analyse, il se trompera parfois.

Chez Costco, je me trompe souvent. Un client remarque que le prix d’un article n’est pas le bon et un employé s’élance vers le fond du magasin pour valider. Un autre client a oublié que les bagels viennent par paquets de deux et voilà le commis reparti. Un client ne trouve plus sa carte de membre et, d’un coup, la file ralentit. Une autre demande de payer ses achats sur trois factures différentes. Voilà le temps d’attente qui s’allonge encore.

Si j’utilisais une approche optimale chez Costco, je continuerais d’évaluer sans cesse les différentes options autour de moi, même après avoir pris ma décision initiale. Si je voyais que ma file risque d’être beaucoup plus longue que prévu et que celle d’à côté semble plus rapide, je devrais changer. Pourtant, je le fais rarement. D’ailleurs, j’observe peu de clients qui ont changé de file après s’être engagés dans leur choix.

Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. D’une part, c’est comme si toute forme d’analyse ou de vigilance s’estompait après avoir fourni des efforts pour identifier ce qui semblait le plus intéressant au départ. La même rigueur n’est plus au rendez-vous une fois la décision prise. D’autre part, le fait d’avoir déjà investi du temps à attendre dans la file est souvent pris en compte dans la décision de changer. Enfin, il n’y a généralement pas de plan de match en cas où la situation tourne à l’encontre des attentes. Chez Costco, l’impact d’une telle décision implique peu d’inconvénients et tout ce processus cognitif n’en vaut probablement pas la peine. En Bourse, c’est une toute autre histoire.

En Bourse, notre travail ne s’arrête pas à l’achat d’un titre. Il est primordial de continuer d’analyser un titre après l’avoir acheté. Chez COTE 100, nous suivons quotidiennement le développement de nos titres et portons une attention plus particulière à la publication des résultats trimestriels. Nous revoyons également complètement le dossier de chaque société au minimum une fois par an. Autrement dit, nous repartons à zéro, comme s’il s’agissait d’un nouvel achat, et nous effectuons une analyse détaillée afin d’identifier des éléments qui nous auraient échappé au cours de l’année.

Afin de contrer l’impact des coûts irrécupérables et des situations qui tournent mal, nous utilisons un scénario de vente. Ce scénario est bien différent de notre scénario d’achat , où nous cherchons à identifier les éléments principaux qui ont guidé l’acquisition du titre. Dans notre scénario de vente, nous inscrivons les éléments clés que nous cherchons à retrouver dans le futur. Autrement dit, nous cherchons à identifier les éléments qui nous pousseraient à nous poser de sérieuses questions s’ils changent ou ne se réalisent pas.

Dans l’excellent livre Quit, Annie Duke raconte l’histoire d’un groupe d’alpinistes qui cherchait à gravir le sommet du mont Everest en 1996. Leur chef d’expédition avait été ferme sur le fait qu’ils devaient rebrousser chemin à 13h00 précises, même s’ils n’étaient qu’à quelques mètres du sommet. Cette règle visait à assurer la sécurité des alpinistes lors de leur descente. Dans cette histoire, certains alpinistes ont suivi ce conseil à la lettre malgré leur proximité du sommet. D’autres n’ont pas respecté cette règle et ont malheureusement péri sur l’Everest.

La préparation mentale et la mise en place d’un plan de match ont aidé certains alpinistes à prendre la bonne décision en 1996. En Bourse comme sur l’Everest, il est facile de se laisser emporter par les émotions du moment présent. Bien que de telles règles de préparation s’appliquent en Bourse, elles ne peuvent être aussi rigides. La Bourse est en constante évolution et de nouvelles informations peuvent venir modifier nos stratégies initiales.

Toutefois, nous estimons qu’il est essentiel de déterminer les grandes lignes d’un scénario de vente. Ce plan de match identifie les éléments les plus importants et cherche à éviter que notre prise de décision soit affectée par un contexte momentanément plus optimiste ou pessimiste.

Que ce soit chez Costco, sur l’Everest ou à la Bourse, la mise en place de différents outils et procédures est primordiale afin d’être guidé adéquatement dans notre prise de décisions.

Jean-Philippe Legault, CFA
Gestionnaire de portefeuille chez COTE 100

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