2024-09-13

J’ai beaucoup apprécié l’éditorial récent de Régis Labeaume, ancien maire de la ville de Québec, dans La Presse. J’apprécie ses textes qui sont très directs – qui a dit que les politiciens avaient la langue de bois? – en plus de provenir d’une perspective unique.

Dans cet article, il remet en question l’investissement majeur du gouvernement du Québec dans la méga-usine de Northvolt, située sur la Rive-Sud de Montréal : « Me concernant, je ne me demande pas quand, mais plutôt si effectivement on y produira un jour des batteries. J’en suis là. »

D’ailleurs, j’avais écrit un blogue à ce sujet en octobre 2023 : « Northvolt, une bonne décision d’investissement? » L’annonce récente selon laquelle Northvolt retardera son projet au Québec de plus de 18 mois par rapport à son échéance initialement prévue ébranle quelque peu la confiance des contribuables envers ce méga-projet.

Le texte de M. Labeaume m’a fait réfléchir à la perspective d’un investisseur ou d’un entrepreneur lorsqu’il s’agit d’investir. J’ai toujours cru qu’il était préférable pour une entreprise d’investir de manière organique dans ses activités existantes plutôt que d’effectuer des acquisitions ou de tenter de développer de tout nouveaux marchés. En règle générale, il vaut mieux investir dans la croissance des activités actuelles plutôt que de tenter de développer de toutes nouvelles lignes d’affaires. Dans son texte, M. Labeaume écrit : « Je préfère toujours le développement économique endogène à l’exogène, soit celui issu de l’entrepreneuriat québécois et basé sur nos propres forces. »

Lorsqu’une entreprise décide d’investir dans ses activités existantes, elle investit dans ce qu’elle connaît intimement, probablement là où elle possède un avantage concurrentiel. Cela réduit sensiblement le risque.

Nous avons récemment eu à prendre une telle décision chez COTE 100 : investir dans une toute nouvelle ligne de services ou plutôt offrir nos services à une nouvelle clientèle? Dans le premier cas, le potentiel semblait fort attrayant sur papier, mais les imprévus étaient nombreux et importants. Cela aurait nécessité la création d’une nouvelle équipe et l’acquisition d’une expertise considérablement différente de celle que nous possédons déjà. Un nouveau modèle d’affaires aurait également été requis, ainsi que de nouveaux produits et services. L’autre option nécessitait peu de personnel supplémentaire et un démarrage relativement simple avec des produits que nous possédions déjà.

Je crois que la décision du gouvernement québécois d’investir 436 millions de dollars en subventions directes et 1,3 milliard de dollars en subventions à la production dans une société déficitaire (et étrangère), dont la technologie n’a pas encore fait ses preuves, représentait un risque anormalement élevé. Il est peut-être facile de le dire maintenant, mais le gouvernement québécois aurait probablement mieux fait d’investir dans les entrepreneurs québécois, une force de notre province, plutôt que de miser une somme aussi importante dans un seul projet.

Une décision plus logique aurait été d’investir dans des incitatifs à la recherche et au développement de la part des entreprises québécoises. Une autre option aurait été d’encourager la création de nouvelles entreprises québécoises. Le risque aurait été beaucoup moins élevé pour les contribuables. Il aurait également été possible de réduire le taux d’imposition des petites entreprises. Toutes ces options auraient réparti la richesse et le risque parmi un plus grand nombre d’entreprises d’ici.

En tant qu’investisseur, j’ai tiré quelques leçons de l’affaire Northvolt :

  1. Il est difficile, voire impossible, de prévoir l’avenir, de choisir l’industrie, ou encore moins l’entreprise, qui connaîtra le succès dans les cinq ou dix prochaines années. C’est pourquoi je préfère rester éloigné des sociétés en démarrage qui promettent de grandes choses, mais qui n’ont pas encore prouvé la viabilité de leur modèle d’affaires. D’après ce que j’ai récemment lu, Northvolt est largement déficitaire.
  2. Il vaut mieux diversifier. Le gouvernement du Québec a peut-être commis une erreur en investissant une somme énorme dans un seul projet. Il aurait mieux fait de répartir les 7 milliards de dollars entre les centaines d’entreprises et entrepreneurs de la province. Le même principe s’applique à la construction d’un portefeuille d’investissement.
  3. Dans une vision plus globale, il est préférable de laisser le libre marché faire son œuvre plutôt que de centraliser les décisions d’investissement entre les mains du gouvernement. En règle générale, la fameuse « main invisible » d’Adam Smith fait bien les choses.

Certains diront qu’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions concernant Northvolt. C’est vrai et je croise les doigts pour que le projet soit un succès à l’avenir. Toutefois, je suis d’avis que le gouvernement devrait dès aujourd’hui changer sa façon d’investir dans l’économie.

 

Philippe Le Blanc, CFA, MBA
Chef des placements chez COTE 100

 

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