2024-05-10

On a tous tendance à créer des catégories. Voici ce que j’ai écrit à ce sujet dans mon livre, Avantage Bourse.

« Un autre raccourci décisionnel (que les psychologues appellent des « heuristiques ») couramment utilisé consiste à classer divers phénomènes dans deux camps opposés. Rarement qualifierons-nous les choses ou les gens d’une nuance de gris alors que dans la réalité, c’est cette couleur qui caractérise la grande majorité des phénomènes.

 Une catégorisation simpliste est de classer les sociétés dans les trois camps des titres de « « petite, moyenne ou grande capitalisation ». 

Je crois que si un investisseur devait catégoriser les titres de sociétés de son univers d’investissement, il devrait le faire ainsi :

  • Titres de piètre qualité; 
  • Titres de qualité acceptable; 
  • Titres de qualité supérieure.»

J’aurais pu utiliser les adjectifs « Exceptionnelles, Enviables ou Épouvantables »; ça fait plus poétique.

Bien sûr, tout n’est pas si net ni précis. On peut débattre longtemps avant de placer une société dans une catégorie. De plus, les choses changent avec le temps et une société exceptionnelle peut devenir plutôt ordinaire avec les années ou les décennies. Je n’ose pas dire qu’une société est épouvantable, mais c’est peut-être le cas de sociétés jadis exceptionnelles telles que GE ou Intel.

Quoiqu’il en soit, mon rôle en tant que chef des placements chez COTE 100 est d’accroître le nombre de sociétés exceptionnelles que nous détenons dans nos portefeuilles sous gestion. Dans un monde idéal, toutes nos sociétés le seraient; mais un monde parfait n’existe pas.

Pour vous aider dans votre travail de catégorisation de la qualité d’une entreprise, voyons quelles sont selon moi les principales caractéristiques de chacune des trois catégories.

Les exceptionnelles 

Une société d’exception est celle qui obtient un rendement élevé de son capital investi et qui peut réinvestir ses bénéfices pour obtenir des taux de rendement élevés. De plus, son modèle d’affaires est protégé par des barrières à l’entrée élevées qui lui permettent de perdurer et de maintenir une rentabilité élevée. Ces barrières à l’entrée agissent comme une douve qui empêche les concurrents de « pénétrer » le château économique d’une entreprise.

Les barrières à l’entrée sont multiples. Elles incluent une marque de commerce reconnue, des coûts bas liés à de fortes économies d’échelle, un réseau de distribution inégalé et difficile à reproduire, la protection de brevets, la réglementation d’une industrie, la nécessité d’investir d’énormes capitaux, etc.

Idéalement, le modèle d’affaires d’une telle société requiert peu de capital pour poursuivre sa croissance. En revanche, les occasions d’investissement attrayantes sont multiples et son industrie est portée par une croissance naturelle favorable.

Ces entreprises sont par définition exceptionnelles et donc très rares. J’estime qu’un investisseur peut se compter chanceux d’en détenir une poignée dans son portefeuille. Si l’on possède une telle société, il importe de la conserver le plus longtemps possible.

Quelques exemples : Apple, Microsoft, Copart, Visa, Costco.

Les enviables

Il existe un plus grand nombre de sociétés que je qualifierais « enviables ». Elles sont rentables, même très rentables, et obtiennent un rendement élevé de leur capital. Ce rendement est toutefois moins élevé que celui des sociétés exceptionnelles : disons entre 10 % et 15 % par rapport aux 15 % et plus des sociétés d’exception.

Ces sociétés possèdent des avantages concurrentiels indéniables, mais les barrières à l’entrée sont moins élevées et la concurrence est plus présente que pour les sociétés d’exception.

Dans bien des cas, de telles entreprises sont obligées de réinvestir des sommes importantes pour tenter de maintenir leur position concurrentielle et leur niveau de rentabilité.

Il n’y a rien de mal à posséder de tels titres dans un portefeuille. Souvent, ces sociétés nous procureront de bons rendements à long terme, même s’ils seront nettement moins élevés que ceux des sociétés d’exception. De plus, ces sociétés exigeront un suivi plus rapproché car leur succès commercial et financier pourrait péricliter et éventuellement se renverser.

Des exemples : Quincaillerie Richelieu, CGI, Fiserv.

Les épouvantables 

Voilà les entreprises qu’un investisseur doit éviter à tout prix. Elles sont généralement peu rentables, voire pas du tout. Si elles font des profits, leur rendement du capital investi est anémique (moins de 10 %) et souvent inférieur à leur coût de capital.

Ces sociétés ont typiquement un besoin régulier de capital externe pour financer leur croissance et leur bilan affiche souvent un niveau de dette élevé.

De plus, ces sociétés œuvrent dans des secteurs où la concurrence est féroce et où les barrières à l’entrée sont quasiment inexistantes.

Des exemples : Transat, Air Canada, GE.

Prix payé 

Une fois qu’on a appris à connaître quelques sociétés d’exception, il est assez facile d’en identifier d’autres. Mais comme je l’ai dit, de telles sociétés sont rarissimes; c’est pourquoi leurs titres s’échangent la plupart du temps à des niveaux d’évaluation très élevés.

Cependant, il arrive parfois que, pour une raison quelconque, le titre d’une telle société corrige en Bourse et s’échange à une évaluation raisonnable. C’est alors une occasion en or d’investir.

Quant au prix payé, j’ai appris avec le temps qu’il fallait être prêt à payer plus cher pour des sociétés de grande qualité. Pour ce qui est des sociétés dites « enviables », j’estime qu’il faut acheter leur titre à des ratios d’évaluation très attrayants si l’on veut en tirer des rendements intéressants au fil des ans. Pour ce qui est des titres de sociétés épouvantables, aucun prix ne serait assez faible pour nous attirer.

 

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Le blogue de Philippe Le Blanc est publié sur

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