2024-05-03

J’ai reçu quelques courriels de lecteurs à la suite de la publication de mon blogue de la semaine dernière. Merci! J’apprécie beaucoup ces commentaires. Ils me permettent souvent de voir les choses d’une autre perspective et d’apprendre. Ils me procurent aussi du matériel pour de futurs blogues!

Le message de M. St-Hilaire, reçu le lendemain de la publication de mon blogue, commençait comme suit : 

« Je crois que votre analyse est un peu trop simplifiée. Vous donnez trois exemples de situations où la patience avait été de mise pour obtenir un fort rendement et donnez l’impression que la patience devient la règle. Je crois au contraire que c’est l’exception. »

Il a raison. Mon analyse était biaisée car elle ne présentait que des exemples où il valait mieux être patient. J’ai sans doute été la proie de quelques-uns des biais cognitifs dont je parle dans mon livre « Avantage Bourse » : L’instinct de la perspective unique? La tendance à éviter ce qui nous est désagréable? La tendance à être trop optimiste? La sagesse rétrospective? Ou un peu de chacun de ces biais?

Il y a définitivement des situations où il vaut mieux être impatient. De fait, on sera généralement trop patients avec le titre d’une société de piètre qualité – ces titres qu’on n’aurait pas dû acheter en premier lieu. Le hic est qu’il peut s’écouler passablement de temps avant qu’on réalise qu’une entreprise est de qualité médiocre. 

Quelques exemples me viennent en tête de titres que nous avons détenus dans le passé et que nous avons probablement trop tardé à vendre :

CH Robinson. Nous avons acheté le titre de cette société de courtage en transport en 2014 à environ 68 $. Nous l’avons vendu au début de 2024 à environ 73 $. Même en tenant compte des dividendes, ce n’est pas un rendement très intéressant pour un investissement en temps (et en patience) de près de dix ans! Notre décision de vendre le titre a été fondée sur une performance financière décevante depuis quelques années et nos craintes que le modèle d’affaires de la société soit perturbé par l’intelligence artificielle. Je crois que c’était la bonne décision à prendre, mais elle aurait dû être prise beaucoup plus tôt.

Walgreen. Nous avons vendu le titre de cette chaîne de pharmacies américaine en 2020 à environ 44 $. Nous l’avions acquis en 2012 à un peu plus de 30 $. Notre décision de le vendre a été la bonne car le titre s’échange aujourd’hui à moins de 18 $. Il reste qu’en 2020, la performance financière de l’entreprise laissait à désirer depuis quelques années déjà.

Bombardier. Cet exemple date de nombreuses années, mais il est significatif. Nous avons été actionnaires de l’entreprise dès les débuts de COTE 100 en 1988. Le titre nous a procuré des rendements exceptionnels pendant de nombreuses années, à tel point que certains investisseurs disaient que nos rendements dans les années 1990 reposaient principalement sur le titre de Bombardier. Or, à la fin des années 1990, le titre s’échangeait à des ratios d’évaluation de plus en plus élevés, alors que la grande majorité de ses bénéfices provenait de la division Aéronautique, un secteur notoirement compétitif et cyclique. Nous avions décidé de vendre le titre, mais avons repoussé la décision ultime pendant quelques années afin de retarder la facture fiscale importante qui l’accompagnerait. Nous avons finalement vendu nos actions en 2001, juste avant les événements tragiques du 11 septembre. C’était un coup de chance car nous aurions dû vendre bien avant.

Mais je ne voudrais pas répéter l’erreur du blogue précédent en ne présentant que des exemples qui nous donnent raison! Nous avons aussi vendu des titres que nous aurions dû garder! Je pense notamment à Thomson-Reuters, McDonald’s, Automatic Data Processing, Cintas et plusieurs autres que je préférerais avoir oubliés!

Ce que je retiens de ces erreurs est qu’il faut selon moi être impatient (c’est-à-dire, vendre plus vite) avec les titres de sociétés qui ne livrent pas la marchandise en termes de croissance et de rentabilité. Mais encore faut-il faire la part des choses et analyser les causes d’une sous-performance financière – est-elle passagère ou permanente? 

En revanche, il faut être patient avec les titres de sociétés de qualité qui livrent la marchandise et affichent une bonne performance financière, quitte à accepter que leur titre devienne passagèrement trop cher.

Je rappellerais toutefois qu’il est illusoire de croire qu’on peut avoir raison à tout coup. L’important est de suivre son processus décisionnel avec discipline et en fonction des faits.

Aussi, lorsqu’on accepte le fait que nous commettrons inévitablement des erreurs dans nos choix de sociétés, il devient capital de se ménager une généreuse marge de sécurité lorsqu’on achète un titre afin de limiter les dommages.

 

 

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Le blogue de Philippe Le Blanc est publié sur

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